Il est devenu presque banal de souligner que l’accroissement des vitesses de circulation de l’information, des biens et des hommes a contribué à redessiner les contours des identités individuelles. Aujourd’hui, les références culturelles rapportées sont nombreuses et semblent parfois entrer en contradiction avec le modèle type du citoyen français : laïcité, universalisme, foi en la démocratie représentative paraissent mis à mal par l’éclatement des repères.
Pourtant, le citoyen républicain modèle n’a peut-être jamais existé ; laïcité, universalisme et esprit démocratique, ces piliers de la culture citoyenne française, ont-ils toujours été respectés ? Par exemple, dans les contextes impérial et postcolonial qu’a connus la France, la citoyenneté pouvait-elle suivre un modèle culturel unique et homogène ? La question est d’autant plus urgente, que d’autres régimes démocratiques fonctionnent avec d’autres modèles de citoyenneté ; parfois même avec des modèles pluriels, à la faveur du développement de la notion de multiculturalisme.
Pourtant, dans les années 2000 et 2010, alors même que l’offre des valeurs s’élargit à l’échelle du monde, l’idéal de « citoyenneté multiculturelle » est mis en difficulté. Cela est vrai dans les pays généralement associés à la notion de multiculturalisme, ainsi qu’en France. Les rapports sur l’intégration commandés par Matignon, qui proposaient en particulier que la France « assume sa dimension ‘arabo-orientale’ », provoquèrent une levée de boucliers menant à leur abandon. Peut-être fallait-il craindre qu’ils encouragent les « communautarismes » ; que cela soit incompatible avec le statut de citoyen intrinsèquement associé au cadre national ; qu’une république multiculturelle devienne inévitablement un régime de factions – divisé suivant des contours confessionnels et ethniques – plutôt qu’un projet collectif.
Où?
Sciences Po
28, rue des Saint-Pères
Paris 07
Amphithéâtre Albert Caquot
Quand?
Jeudi 12 février
à 19h15
En raison du plan vigipirate, l'inscription à la conférence est vivement recommandée. L'accès ne pourra pas y être granti aux personnes non inscrites.
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Le citoyen multiculturel a-t-il un avenir?
Frédéric Mion
Frédéric Mion est Directeur de Sciences Po depuis 2013. Ayant oeuvré pour l'harmonisation de l'enseignement supérieur européen (commission Attali, 1998), Frédéric Mion s'engage aujourd'hui dans la poursuite de la politique d'internationalisation de Sciences Po et de diversification des profils des étudiants de l'école.
Pap Ndiaye
Professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Paris (histoire nord-américaine), Pap Ndiaye est spécialiste d’histoire sociale des Etats-Unis, particulièrement des minorités. Il s’intéresse également aux situations minoritaires en France (histoire et sociologie des populations noires). Il travaille actuellement à une histoire mondiale des droits civiques au XXe siècle, en envisageant cette question dans une perspective transnationale. Il a notamment publié La condition noire. Essai sur une minorité française (Calmann-Lévy, 2008).
Patrick Savidan
Patrick Savidan est Professeur en philosophie politique à l'Université de Poitier et à Sciences Po. Il est éditeur de la revue de philosophie Raison publique et président de l'Observatoire des inégalités. Ses recherches portent sur la démocratie, la justice sociale et la diversité - en particulier sur les formes de la citoyenneté dans les sociétés multiculturelles. Patrick Savidant a notamment publié Repenser l'égalité des chances (Grasset, 2007) et Multiculturalisme (PUF, 2009).
Dominique Schnapper
Dominique Schnapper est sociologue, Directrice d'études à l'EHESS. Ses recherches portent notamment sur la citoyenneté et la démocratie. Membre honoraire du Conseil constitutionnel, elle est également présidente du Musée d'art et d'histoire du judaïsme. Dominique Schnapper a publié de nombreux ouvrages, parmis lesquels Qu'est-ce que la citoyenneté ? (Folio, 2000), Qu'est-ce que l'intégration ? (Gallimard, 2007), et L'Esprit démocratique des lois (Gallimard, 2014).